Char - Churchill

Le Churchill, ou plus officiellement Infantry Tank Mk IV ou A22, est le dernier aboutissement du concept de char d'infanterie, alors en vigueur dans l'armée britannique. Il était réputé pour son solide blindage et pour avoir servi de base à de nombreux dérivés spéciaux, les Hobart's Funnies. Après des débuts difficiles, il fut produit à près de huit mille quatre cents exemplaires et servit dans l'armée britannique jusqu'en 1952.


Il reçut son nom en l'honneur de sir Winston Churchill qui, en plus d'être le premier ministre de l'époque, avait pris une part importante, lors de la Première Guerre mondiale, à l'émergence des premiers chars d'assaut. Celui-ci aurait déclaré à ce propos : « Ce tank a encore plus de défauts que moi ».

Conception

En septembre 1939, l’état-major de l’armée britannique émis une demande pour un quatrième type de char d’infanterie en plus des A11, A12 Matilda et du Valentine.
Ce nouveau modèle devait être un char lourd, destiné à accompagner une attaque d'infanterie sur un terrain bouleversé par l'artillerie. Pour remplir ce rôle, il devait être bien protégé, puissamment armé et disposer de bonnes capacités de franchissement ; on ne recherchait pas une grande vitesse, puisque la progression doit s'effectuer au rythme d'un homme à pied.

Ce nouveau char, tel qu’il fut initialement imaginé par le Département de la conception des chars, ressemblait beaucoup au Heavy Tank Mark VIII de la Première Guerre mondiale: il était constitué d’une large caisse, dont les chenilles faisaient le tour sans protections, et ne comportait pas de tourelle, l’armement étant emporté dans des casemates latérales. Cette première proposition fut toutefois rejetée dès fin septembre par le général Davidson, directeur de la mécanisation, qui demanda que le char soit équipé d’une tourelle.

La tâche de développer le nouvel engin fut alors confiée à Harland and Wolff, qui présenta plusieurs prototypes en juin 1940.
Dans la nouvelle configuration proposée, le A20 empruntait une tourelle de Matilda, équipée d’un canon de 2-pdr, tandis qu’un autre 2-pdr était monté en proue; le char était par ailleurs également armé de deux mitrailleuses Besa sur les côtés. Le moteur diesel proposé par Harland and Wolff fut refusé au profit d’un moteur à essence Bedford. Ces prototypes reçurent la désignation « A20 char de forteresse » en français, afin d’insister sur le fait qu’ils étaient destiné à l’assaut de fortifications.
Cependant, la débâcle du Corps expéditionnaire britannique pendant la campagne de France montra que ce type de char n’était plus adapté au nouveau visage de la guerre, et le projet du A20 fut abandonné.

La nouvelle situation ne faisait pas disparaître le besoin pour un char lourd, d’autant plus que l’armée britannique avait perdu en France la quasi-totalité de son matériel mécanisé. Les spécifications du char furent revues par Henry Merritt, directeur de la conception des chars, et la conception d'un nouveau modèle, le A22, ou Infantry Tank Mark IV, fut confiée à Vauxhall Motors, une entreprise qui n’avait alors aucune expérience dans ce domaine.
Une invasion allemande étant considérée comme imminente, le War Office demanda à Vauxhall de mettre le char en production sans tests et de régler les problèmes au fur et à mesure.


Le A22 était dans les faits très semblable au A20, mais se distinguait notamment par une bien meilleure transmission de type Merritt-Brown H4 à triple différentiel et quatre vitesses, lui permettant de tourner sur place.
L’armement était d’un 2-pdr et d’une mitrailleuse coaxiale Besa en tourelle et d’un obusier de trois pouces en proue.
La disposition des armes était toutefois peu ergonomique: la mitrailleuse coaxiale Besa était à droite du canon, donc assignée au chargeur, mais celui-ci ne pouvait pas s’en servir et charger le canon en même temps. L’obusier était presque inutilisable, car le débattement de l’arme était très faible et le tireur ne pouvait pas atteindre la commande de tir en même temps qu’il visait; il n’y avait pas non plus de chargeur dédié, le conducteur devant remplir ce rôle.
Le blindage était en revanche particulièrement résistant: avec 102 mm à l’avant, le Churchill était au moment de son apparition l’un des chars les plus lourdement blindé des armées belligérantes.

Le Churchill Mark I fut commandé à 1 400 exemplaires, dont les pièces et l’assemblage devaient être réalisés par Vauxhall, avec l’aide des entreprises :

• Beyer-Peacock,
  
• Birmingham Railway Carriage & Wagon Company,
  
• Broom and Wade,
  
• Charles Roberts Company,
  
• Dennis Brother,
  
• Gloucester Railway Carriage & Wagon Company,
  
• Harland and Wolff,
  
• Leyland,
  
• Metropolitan Cammel Carriage & Wagon Company,
  
• Newton Chambers Company.
  

Finalement seuls 303 Mark I furent produits en raison du manque d’obusiers, ce qui imposa de produire une nouvelle version sans cet élément.
Cette dernière reçue la désignation de A22a, ou Churchill Mark II. Elle était en tout point identique au Mark I, à l’exception de la disparition du canon de proue, qui était remplacé par une mitrailleuse Besa. Par ailleurs, beaucoup de problèmes de jeunesse présents sur le Mark I furent résolus sur le Mark II, bien qu’il en subsistait encore un certain nombre, du fait de la conception précipitée du char. Entre 1 100 et 1 200 exemplaires furent produits.

Histoire opérationnelle

Le raid de Dieppe du 19 août 1942 fut le premier engagement au combat du Churchill, dans les rangs du Calgary Regiment canadien.
La mission des chars était d’appuyer l’infanterie sur la plage, puis d’attaquer l’aérodrome de Saint-Aubin et le château d’Arques-la-Bataille.


Les Britanniques envoyèrent dans un premier temps en Égypte un petit groupe nommé Kingforce, composé de six Churchill Mark III, qui fut affecté à la 1re Division blindée. Les chars furent engagés à deux reprises au combat pendant la seconde bataille d'El Alamein: à Kidney Ridge le 27 octobre 1942, et à Tel el Aqqaqir, le 3 novembre 1942.
Dans les deux cas, les Churchill furent en pointe de l’attaque, loin devant les autres unités. Soumis à des tirs intenses, ils furent touchés plus de cent fois, mais seul un char fut totalement détruit, et deux endommagés.

Les Churchill n’arrivèrent en Italie avec la première division canadienne qu’à la fin du mois de mai 1944 et furent immédiatement engagés contre la ligne Hitler puis contre la Ligne gothique à partir d’août


Pendant la guerre de Corée, le contingent britannique se vit adjoindre un escadron de Churchill Crocodile et des ARV, qui arrivèrent le 15 novembre 1950 à Busan. La situation très dynamique se prêtant mal à l’usage du lance-flammes, la majeure partie des Crocodiles abandonnèrent leur remorque de combustible et combattirent comme des chars standards.

Opérateurs

Royaume-Uni
Canada
Australie
Union soviétique

En tout, les Soviétiques reçurent deux cent cinquante huit Churchill, un chiffre à mettre en regard avec les trois mille six cent chars Sherman ou les trois mille trois cent Valentine de tous types. Ils reçurent par ailleurs en avril 1943 trois Churchill Crocodile pour évaluation.
Dans l’ensemble, le Churchill fut peu apprécié par les Soviétiques, qui trouvèrent qu’il était trop fragile et demandait trop de maintenance. Il influa toutefois un peu le développement des chars en URSS, la conception du périscope de toit ayant été par la suite copiée pour le T-34/85 et l’IS-2.

La phrase "Pour gagner du temps sur la construction de quelques prototypes, on en fabriqua de fait des centaines" résume bien les nombreux défaut de conception du Churchill.
Il fut beaucoup de variante avant d'atteindre un char conventionnel pour le conflit

Variantes

• Churchill Mk.I : Première série, avec 303 construits en 1941. Les voies étaient entièrement non protégées.
  
• Churchill Mk.II (Churchill Ia) : L'obusier de coque a été remplacé par une mitrailleuse Besa, afin de gagner de l'espace supplémentaire et de simplifier la production. 1127 livrées jusqu'à la mi-1942.
  
• Churchill Mk.II CS (close support) : La tourelle 2-pdr et l'obusier de coque 3-in ont échangé leurs places. Livré avec cartouches fumigènes. S'est avéré assez insatisfaisant. Seule une poignée construite.
  
• Churchill Mk.III : Le premier avec de grande modifications. Pour la première fois, la tourelle était soudée et abritait un canon de 6 pdr. Il avait une mitrailleuse coaxiale Besa, une autre remplaçant l'ancien obusier de coque. De nombreuses modifications ont été apportées au moteur, à la transmission et à la protection, y compris la "passerelle" au-dessus des voies supérieures. 675 ont été livrés en 1942.
  
• Churchill Mk.III* : Conversion sur le terrain remplaçant le canon de 6 livres des Churchill Mk.III par le canon de 75 mm.
  
• Churchill Mk.IV : La plus grande production de toutes les séries, avec 1622 char. Il a reçu la tourelle moulée moins chère et moins exigeante en main-d'œuvre. Beaucoup ont été équipés du nouveau canon Mk.V de 6 pdr (57 mm / 2,24 in) à canon long.
  
• Churchill Mk.V : Il s'agissait essentiellement d'un Mk.IV pour un appui rapproché, avec un obusier de 95 mm (3,74 po) et 47 cartouches. 241 construits en tout en 1943.
  
• Churchill Mk.VI : Une mise à niveau mineure de l'IV, avec le nouveau canon Mk.V de 6 livres. 200 ont été construits.
  
• Churchill Mk.VII : Une modification majeure, également appelée «Churchill lourd». Blindage frontal augmenté (152 mm / 6") et nouveau canon QF 75 (75 mm). 1400 construit jusqu'à la fin de 1944.
  
• Churchill Mk.VIII : Cette dernière version était une version d'appui rapproché, équipée d'un obusier de 95 mm (3,74 in) et de 47 cartouches. Environ 200 ont été construits en 1944.
  

Les marks suivantes n'étaient pas de nouveaux véhicules de production, mais des modèles antérieurs complètement révisés et améliorés, de sorte que les chiffres de production ne sont pas pertinents. Beaucoup ont également été modifiés en tant que variantes et sous-variantes plus radicales.

• Churchill Mk.IX : Mk.III/IV rééquipé de la nouvelle tourelle, transmission et suspension Mk.VII
  
• Churchill Mk.IX LT : Mk.III/IV équipé uniquement de la transmission et suspension Mk.VII
  
• Churchill Mk.X : Mk.VI mis à niveau vers la norme Mk.VII.
  
• Churchill Mk.XI : Mk.V mis à niveau vers la norme Mk.VII, mais recevant également une armure supplémentaire.
  
• Churchill NA-75 : Churchill Mk.IV ont été mis à niveau avec des canons de 75 mm (2,95 po) et des manteaux de canon de Sherman abandonnés ou détruits. Environ 200 chars convertie.
  

Versions spéciales

Présenté par ordre chronologique. Beaucoup étaient dérivés de séries antérieures, jamais mis à niveau vers la norme Mk.VII. Ceux-ci étaient connus par les simples soldats sous le nom de "Hobart’s funnies".

• Churchill Oke : Ajout d'un lance-flammes appliquée à trois prototypes de véhicules, nommés "Boar", "Beetle" et "Bull". Milieu de 1942, avant le raid sur Dieppe
  
• Churchill AVRE : Modification la plus courante de toutes les versions de génie, équipé d'un mortier Spigot de 290 mm contre les bunkers ou avec mine-fléau, porte-explosif, porte-fascine, brideglayer, etc.
  
• Churchill ARV : Armored Recovery Vehicle - véhicule blindé de dépannage basé sur un Mk.I.
  
• Churchill ARK : Armoured Ramp Carrier - véhicule sans tourelle transportant un pont pliant. Une fois déplié, il s'étendait sur 65 pieds (20 m). Il semble qu'ils n'aient jamais vu d'action.
  
• Churchill Crocodile : Variante la plus célèbres,  principal char lance-flammes allié (en Europe), généralement un Mark VII avec un lance-flammes remplaçant la mitrailleuse Besa de châssis.
  
• Churchill Kangaroo : Une variante sans tourelle utilisée comme véhicule blindé de transport de troupes (APC). Il s'agissait des versions les plus spacieuses et les mieux protégées du Kangourou.
  
• Gun Carrier, 3in, Mk.I, Churchill (A.22D) : Probablement la seule tentative de construction d'un chasseur de chars basé sur le Churchill. modifié pour loger un canon anti-aérien Mk.I de 3 pouces (76,2 mm). 50 ont été construits en 1942, mais abandonnées, en raison de l'adoption du 17 livres.
  
• Black Prince (A.43) : Réarmé avec le canon 17 livres. Conçu en 1944 sur la base du Mk.VII. Ses performances étaient au mieux médiocres a cause de son poids
  
• FV3902 Churchill Toad : Char lourd à fléaux de déminage. 42 des véhicules ont été produits mais n'ont jamais été utilisés dans un environnement de combat.
  
• FV3903 Churchill AVRE : mise à jour la moins connue du célèbre AVRE. Le mortier Petard de 290 mm a été remplacé par un 165mm Demolition gu qui avait une portée bien améliorée.
  

caractéristiques du Churchill Mark VII

Dimensions	7,44 x 3,25 x 2,49 m
Poids total, prêt au combat	40 000 kg
Équipage	5 (commandant, chauffeur, copilote/mitrailleur, mitrailleur, chargeur/radio)
Propulsion	Bedford twin-six essence 350 ch (261 kW)
Vitesse maximum	15 mph (24 km/h)
Suspensions	22 bogies verticaux à ressorts hélicoïdaux
Rayon d’action	56 miles (90 km)
Armement	Principal :  Vickers QF 75 (75 mm / 2,95 pouces)
	Secondaire : 2x 0,303 (7,7 mm) mitrailleuses Besa
Blindage	De 25 à 152 mm (0,98-5,98 pouces)